poésie/passion

LES FRAPPES

Il est vrai qu’on ne parle plus de bombardements mais de « frappes » et même de frappes « chirurgicales » . Le mot « bombardement » est chargé de bien trop de connotations négatives : on imagine tout de suite les forteresses volantes larguant leurs bombes comme des crottes sur les villes ennemies . Le mot «  frappe » , lui , évoque la précision , la netteté , les missiles étant guidés par des lasers sur des cibles précédemment repérées . Je ne puis m’empêcher de penser à la bombe perforante américaine ou «  missile-flèche à tête en uranium appauvri,   capable de traverser plusieurs mètres de béton et d’exploser dans la cavité où se trouvent les individus-cibles . On a visé ainsi une des caches supposées de Saddam Hussein qui , ce jour-là , n’y était pas !

Nous vivons dans une société de plus en plus aseptisée où les mots sont passés au crible du «  politiquement correct » : l’horreur , les hurlements , la chair déchiquetée , les ruines , sont toujours là mais désignés par un mot bien propret : «  frappes » ; les pilotes de F16 ou de Rafale sont donc des sortes de chirurgiens chargés d’éradiquer de vilaines tumeurs au centimètre près , du moins c’est ce qu’on voudrait nous faire croire car il y a toujours , hélas , des victimes collatérales .

D’autres appellations jugées trop grossières ont aussi été remplacées : on ne parle plus de « chef du personnel » mais de DRH , on ne dit plus « caissière » mais « hôtesse de caisse » , de même pour les balayeurs qui se sont transformés en « techniciens de surface ! » et je pourrais continuer car la liste est longue !...

Ainsi , l’horreur , la désolation et la mort sont-elles aujourd’hui désignées par un vocable aseptisé .

Le sang , la boue , les larmes sont toujours là pourtant !