poésie/passion

LE NAGEUR

  Sylvain Pierrick  se tenait debout sur le plot de départ . Âgé d’à peine dix-huit ans , Il s’était qualifié la veille pour la finale du cinquante mètres nage libre , ce qui n’avait pas laissé de surprendre le reste de l’équipe de France  dont il était loin d’être le favori . Soumis au contrôle antidopage ses analyses n’avaient rien révélé de suspect . Cependant ses progrès fulgurants en l’espace de quelques mois seulement  faisaient planer sur lui la suspicion   .

-Je m’entraîne huit heures par jour , dimanche compris , et je me sens de plus en plus à l’aise dans l’eau , je crois même que ça devient peu à peu mon élément naturel ! répondait-il aux journalistes toujours avides de sensationnel .

  Toujours est-il que cette qualification pour la finale constituait un authentique exploit et le landernau de la natation se passionnait à présent pour ce phénomène .

  Sylvain , comme tous les nageurs de haut niveau avait un corps allongé , on pourrait même dire fuselé comme si ses séjours prolongés dans le milieu aquatique lui avaient conféré les caractéristiques hydrodynamiques qui sont celles des poissons . Les muscles de ses bras frissonnaient tels des serpents de chair sous sa peau  pendant qu’il effectuait quelques mouvements de rotation de la tête et du bassin afin de s’échauffer .  

  À la commande «  À vos marques ! » donnée par le starter les nageurs s’immobilisèrent sur leur plot , lorsque le coup de pistolet retentit tous s’élancèrent en un formidable bond dans le bassin dont l’eau bleutée miroitait à leurs pieds . Sylvain se retrouva à peu près sur la même ligne que ses concurrents , au bout de quelques secondes il fut même légèrement distancé , confirmant par là même que sa qualification pour cette finale relevait du miracle . À une vingtaine de mètres de l’arrivée  il ressentit cependant comme un frissonnement qui le parcourut des pieds à la tête , c’était comme une onde électrique qui réveillait en lui des forces insoupçonnées , lui redonnant une vigueur inattendue ; il lui sembla alors que ses mouvements se faisaient plus fluides , que son corps tout entier ne faisait plus qu’un avec l’élément liquide dans lequel il se coulait parfaitement . Il toucha la borne d’arrivée en première position , étonné lui-même de la facilité avec laquelle il avait remporté cette épreuve . Quand le panneau afficha dix-neuf secondes et dix-neuf centièmes ,  soit exactement deux secondes de moins que l’ancien record , la foule se leva comme un seul homme pour applaudir car cette performance relevait quasiment de l’impossible .

  Pris d’un soudain élan d’une joie incoercible , Sylvain se mit debout sur sa queue , et se mit à reculer sur l’eau en poussant de petits  cris …